Géolocalisation et AI – Interview de Yohann, Directeur Scientifique
Développer un produit, c’est un travail d’équipe. Quand on vous parle de notre app Evelity, vous vous doutez que l’équipe comprend des développeurs (facile). Mais saviez-vous que nous avions une multitude d’autres profils chez Okeenea Digital dont un Directeur Scientifique au parcours impressionnant ? Non ?
Nous avons donc décidé de lui donner la parole pour qu’il nous partage son quotidien et en quoi son intervention est indispensable pour arriver à une solution efficace pour toutes les personnes en situation de handicap ! On vous présente Yohann !
Peux-tu te présenter et nous expliquer ton parcours ?
Je m’appelle Yohann Tschudi, je suis directeur scientifique chez Okeenea Digital. J’ai un parcours de physicien : j’ai obtenu mon doctorat en physique des particules au CERN puis assez rapidement je me suis intéressé à la recherche statistique et prédictive et aux balbutiements de l’Intelligence Artificielle (IA).
Dans le cadre d’un projet avec la Compagnie Nationale du Rhône et EDF, j’ai notamment travaillé sur la prédiction de débit et de hauteur d’eau de fleuves – le Rhône en l’occurrence – en fonction de paramètres tels que la forme du fond du fleuve, la pluviométrie, les barrages…
Je suis ensuite parti aux Etats-Unis – à l’Université de Miami – où j’ai dirigé une équipe dont la mission était, grâce aux premiers algorithmes d’AI, de trouver et déterminer l’agressivité de lésion cancéreuse dans la prostate et le cerveau.
En rentrant en France, mon intérêt s’est orienté vers la compréhension stratégique des entreprises et j’ai effectué quelques années en tant que consultant en AI pour les grandes entreprises du semiconducteur (Intel, nVidia par exemple) – cette mission m’a beaucoup appris notamment sur la compréhension de ce qui fait le succès d’un produit : une savante alliance entre usage et technologie. J’ai ensuite rejoint Okeenea en décembre 2020.
Quelles sont tes missions chez nous ?
Ma mission est de comprendre les différents problèmes rencontrés par les usagers lors de leur guidage notamment tout ce qui tourne autour de la géolocalisation basée sur les balises Bluetooth et les capteurs inertiels intégrés dans les smartphones. Mon objectif est de produire des algorithmes robustes et efficaces permettant de déterminer le plus précisément possible où est la personne et vers où elle se dirige. Une recherche plus fondamentale autour d’algorithmes d’apprentissage profond est également en cours en collaboration avec le laboratoire Géoloc de l’Université Gustave Eiffel basé à Nantes.
Qu’est-ce qui te plaît dans ce produit ?
Ce qui me plaît dans le produit est – malgré le fait qu’il soit encore jeune – sa capacité à guider une personne aveugle dans un environnement d’une complexité incroyable et hostile tel qu’une station de métro. Cela n’est pas seulement technologique : la capacité de donner les bonnes informations pour un usage sûr et fluide est tout aussi importante. Je trouve qu’il y a déjà cette belle alliance entre usage et technologie qui fait le succès d’un produit.
Peux-tu nous donner ton explication de son fonctionnement / les technos utilisées ?
Une application de guidage peut être décomposée en 4 grands blocs technologiques tous aussi importants les uns les autres :
- La géolocalisation : Evelity utilise des balises Bluetooth – ou Beacons BLE – qui par un savant système de mesure de puissance de signal et un chemin “préenregistré” – méthode de fingerprinting – permet par un système de comparaison de déterminer où se trouve la personne sur ce chemin. En complément, les capteurs du téléphone portable que sont l’accéléromètre et la boussole sont utilisés en complément afin d’affiner cette position. Des algorithmes dits particulaires sont utilisés pour prévoir où se trouve la personne en utilisant la combinaison de tous les paramètres envoyés par les capteurs et les balises. Cependant, nous travaillons dans des environnements extrêmement complexes avec des fluctuations de champ magnétique importantes par exemple (cas du métro) qui dévie la boussole ou des usages particuliers : l’usager aveugle par exemple ne tient pas de facto son téléphone à plat en mode “texting” par exemple, ce qui affecte l’accéléromètre. Mon travail est de comprendre ces comportements en toute situation et de les régler par des algorithmes “correcteurs”.
- La navigation : Evelity utilise un algorithme “historique” appelé algorithme de Dijkstra permettant de définir un meilleur chemin entre un point A et un point B. Des facteurs de pondération sont implémentés dans notre cas précis permettant à l’utilisateur d’intégrer ses préférences telles que la prise ou non d’ascenseur, d’escalators ou d’escalier.
- La détection d’obstacle : Evelity n’intègre pas encore cette fonctionnalité et ce n’est pas son but aujourd’hui.
- L’interface homme-machine ou comment l’homme interagit avec la machine et inversement. Ce bloc est primordial car il est directement lié à l’usage et nous avons chez Evelity une équipe fantastique qui travaille dessus. Tout est pensé et développé en se posant la question : quel est le moyen le plus simple et efficace pour transmettre une information en fonction de celle-ci ? En complément, nous nous sommes rapprochés d’un laboratoire de cognition, basé à Marseille, qui va nous aider à nous améliorer dans ce sens.
Quel est ton plus gros challenge selon toi pour atteindre tes objectifs ?
Mon plus gros challenge est de bien comprendre l’usage, c’est-à-dire quelles sont les souffrances ou au contraire ce que préfèrent les usagers d’Evelity. L’idée est de fournir un produit – pas forcément à la pointe technologique – mais qui permet d’assurer un guidage sans heurt, agréable, sécuritaire.
Quelle avancée technologique réglerait tous tes soucis ?
L’IA permet et permettra d’aider, j’en suis convaincu – notamment en ce qui concerne la géolocalisation, la détection d’obstacle et l’interface homme-machine soit 3 blocs sur 4 – mais l’IA est malgré tout conçue par l’homme, d’où ce besoin de compréhension d’usage nécessaire pour tout bon développement.
Le mot de la fin ?
Je suis extrêmement heureux d’avoir intégré Okeenea Digital et de pouvoir mettre une pierre à l’édifice. L’équipe est assez incroyable en termes de diversité, de talents, de personnalité. La COVID ne facilite pas forcément l’intégration mais pourtant je me sens déjà dans cette équipe depuis longtemps. Je tiens à les remercier aussi pour cela.
Vous souhaitez en savoir plus sur la géolocalisation ? Découvrez l’interview de Valérie Renaudin, Directrice de recherche du laboratoire Géoloc de l’Université Gustave Eiffel !